*
Liberté, liberté chérie.
Elle se mouvait en silence parmis les débris de verre, telle une ombre, d'une démarche à la fois grâcieuse et nerveuse; elle ne devait pas se faire surprendre, non, jamais, ce serait un échec et elle ne pourrait plus rêver d'atteindre ce qu'elle cherchait depuis ce jour où elle avait visité l'extérieur. Là, elle avait compris qui elle était réellement, quelle était sa nature, qui elle était, et pas seulement cette bête qu'[
on touchait, qu'
on caressait et qu']
on [utilisait juste pour se décontracter quand
on avait trop de stress. Non, elle s'était découverte, avait presque réussi à avoir un nom... mais celui-ci lui avait échappé au dernier moment. Par contre, elle était revenue de cet endroit infini avec deux certitudes: elle retrouverait un jour cette liberté, et, surtout, elle
était.
Elle était, elle vivait, elle avait une identité: elle était une chatte.
L'évidence s'était imposée littéralement à elle, et elle s'était demandée pourquoi elle n'avait pas compris plus tôt, tant c'était simple, tant c'était normal, tant c'était logique. Et elle avait voulu déchirer sa laisse et partir, courir au loin, devenir libre. Mais on l'en avait empêché, on l'avait frappé pour avoir mordu, on l'avait enfermé de nouveau dans cette affreuse maison où elle avait toujours vécu.
À présent, elle allait se venger, elle allait partir, elle allait les laisser se débrouiller seuls, et elle allait vivre réellement, comme elle aurait toujours dû vivre.
Elle sauta, d'un bond vif, agile et silencieux, un bond qu'elle avait travaillé avec soin pendant de longues heures -ces heures où elle s'était préparée à ce moment, à l'instant de sa fuite. Elle atteignit la poignée, l'endroit le plus haut qu'elle n'aie jamais réussi à toucher de ses pattes.
Puis elle se dressa sur la pointe de ses membres noirs, tendit son dos au maximum, étira sa colonne vertébrale jusqu'à en craquer. Ses griffes jaillirent alors que la poignée s'abaissait et qu'elle allait tomber par terre, mais elles, s'accrochèrent au large trou qui ornait la porte.
Elle se plaça sur le rebord du trou de la fenêtre en verre qu'elle avait réussi à casser, quelques instants plus tôt, en faisait tomber le précieux lustre en cristal dessus; elle n'avait réussi son opération uniquement grace à la rampe qui habillait l'escalier depuis deux jours à peine.
Les bouts de verre tranchants et aux angles très aigus lui entaillèrent les coussinets; elle retint un feulement de colère et de douleur. Sa vie douillette ne lui avait jamais donné que des facilités, jamais d'épreuves. Mais pour la liberté, elle était prête à tout.
Accroupie sur le rebord, elle aurait déjà dû être dans la rue, elle aurait déjà dû être loin, presque libre; pourtant, elle n'arrivait pas à partir. Elle s'était imaginé ce moment des centaines de fois, s'était vue en train de courir à toute allure sur le goudron, mais quelque chose l'en empêchait.
Elle se tourna une dernière fois vers la maison, et entrevit ses Humains qui la regardaient. L'un d'entre eux hurla et la pointa du doigt. Elle les avait réveillés en cassant la vitre. mais c'était fini.
Alors que le Gros et Grand, son soi-disant "Maître", tenta en en effort déséspéré de lui attraper la queue pour la retenir, elle sauta et atterrit dans la rue. La lune était à demi voilée, ce soir-là. Pourtant -étonnant, non?- elle vit son chemin. Elle partit. Elle s'enfuit.
Elle était libre.
*
Le Lac aux Étoiles.
-Trois lunes plus tard.-
L'immense lac reflétait son pelage, sa tête, son être. Elle ne s'était jamais vue avant. Elle n'avait jamais vu que ses Humains. Non, pas ses Humains: les Bipèdes. Les Deux-Pattes. Elle n'avait pas de maître, pas d'Humains: elle n'appartenait qu'à elle même, elle était libre. Elle se regarda, avec un peu de surprise: était-elle vraiment si mince, si fine, si gracieuse, si élégante? C'était peu probable: tous ses semblables qu'elle avait vu par la fenêtre de son ancienne maison était gros et gras, plein de graisses, avec des bourelets de partout, surtout sur le ventre et sous la gorge. Elle aussi avait été comme ça, elle le savait, c'était impossible autrement: depuis qu'elle vivait Solitaire, depuis qu'elle était libre, elle courait plus vite, sautait plus haut, voyait ses mouvement moins encombrés. Elle le savait, elle avait considérablement maigrit, et ce parce qu'elle avait eu beaucoup de mal à attraper des proies les deux premières lunes de sa vie dans la nature.
Elle se trouvait plutôt belle, surtout avec le fond qui était derrière elle: l'immensité bleue nuit du ciel infini, constellé d'un milliard d'étoiles blanches et scintillantes. Magnifiques. Et elle, au milieu de tout ça, avec sa fourrure courte, douce et soyeuse, blanche et avec des reflets purs, bleus et gris, chatoyants.
Une illumination.
Une pensée lui traversa l'esprit, comme un éclair qui jaillissait dans la voûte céleste et qui déchirait le calme infini qui y régnait -elle avait déjà assisté à ce spectacle plusieurs fois depuis qu'elle était Solitaire, alors que cette vision l'aurait terrorisée si elle était restée dans son ancienne maison-. Elle n'avait pas de nom.
Elle revit ses étoiles, elle revit sa fourrure. Elle était belle. Elle était elle-même, elle était libre, elle était mais il lui manquait seulement une partie d'identité; son nom. Il lui fallait un nom.
Un nom... comme une étoile. Après tout, elle était au milieu des astres, cette nuit-là. Elle y était réellement, elle s'y sentait, ce n'était pas juste une image ou son imagination. Elle était parmi les points scintillants, elle était avec la lune. [/i]
Étoile des Nuits.
Elle était cet animal-là, elle était Étoile des Nuits, elle le sentait au fond d'elle-même. Elle n'était pas là par hasard.
Puis une silhouette se découpa à côté d'elle, dans ce lac aux Étoiles. Une silhouette aussi noire que la couche de suie qui recouvrait la cheminée de son ancienne maison. Mais c'était aussi la silhouette d'un chat, d'un mâle, aussi celle d'un de ses cousins, d'une bête de la même espèce. Elle n'était pas seule.
Il lui murmura son nom -cela suffit. Elle lui dit le sien. Et ils savaient déjà qu'ils étaient faits l'un pour l'autre. Étoile des Nuits et Étoile d'Ébène.
Ce couple mythique fut le premier couple de chats sauvages; ils furent les tout premiers à vivre dans la nature depuis que les Hommes ont domestiqué presque toutes les espèces d'animaux. Ce sont eux les premiers membres du Clan des Étoiles; les quatre Clans sont leurs fils et leurs filles.
*
De nos jours.
Cela fait bien longtemps qu'Étoile des Nuits et Étoile d'Ébène ont rejoint le Clan des Étoiles; depuis, le Clan du Tonnerre, du Vent, de la Rivière et de l'Ombre ont vécu mille péripéties; ils se sont faits rejoindre par le Clan du Sang, la Meute des Chiens et la Tribu.
Étoile du Nord gouverne le Vent, avec son lieutenant Éclat de Blizzard; Étoile D'Orage, lui, possède le Tonnerre, qu'il partage avec Crocs des Ténèbres. Étoile du Soleil étant morte, sa seconde Ténèbres était censée la remplacée au Clan de la Rivière en temps que chef; malheureusement, celle-ci a disparu... c'est donc Étoile Céleste qui les remplace et il est aidé par Coeur de Glace, qui lui a succédé à Tempête de Pluie. Quant au Clan de l'Ombre, la lieutenante Lune Filante a reçu ses neuf vies suite au décès de son ancienne meneuse, Étoile Blanche, et a choisi Pelage de Lionne comme à sa suite. Elle est devenue Étoile de Lune. Le terrifiant Fléau contrôle le Sang, et il est aidé apr Ange des Ténèbres, qui est la cousine de Étoile de Lune; Carnage est le Solitaire le plus respecté. Lui aussi a des liens de parenté avec la Chef de l'Ombre: il est son demi-frère, et aussi celui à part entière de Clair de Lune, guerrière de la Rivière. La Meute des Chiens est sous la tutelle d'Ésprit Libre. La Tribu, elle, est contrainte de quitter sa Montagne; le courageux Flamme, le Soigneur, y parviendra-t-il?
De plus, les temps s'obsurissent: Étoile du Nord hait Étoile D'Orage et veut le tuer; d'un autre côté, le Chef du Tonnerre a des comptes à régler avec Étoile Céleste de la Rivière, sans compter qu'il veut récupérer les petits qui y sont et qu'il a eu avec Ténèbres, sa première compagne. Seule Étoile de Lune semble rester en dehors des conflits... mais ne prépare-t-elle pas un coup de génie pour s'emparer d'autres terres? Car elle est en possession d'un lourd secret, que sa défunte meneuse, Étoile Blanche, lui a confié: la Louve Hypnotique, venue des territoires du Grand-Nord, derrière la Mer, qui possède le pouvoir de changer la matière en glace au contact de ses pattes, est sur le point d'arriver dans la Forêt et de ravager les Clans...]
Cette prophétie, délivrée par une chef mourante qui perdait sa dernière vie, est un secret qu'Étoile de Lune ne pourra pas garder éternellement... Cette prophétie est...
La Prophétie des Clans.
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Histoire by Étoile de Lune.